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Le blog de l'histoire des Verriers du Rouergue

Composition des matières fusibles (2e partie)

25 Mai 2011 , Rédigé par gentilhomme verrier

Suite :

 

Les terres calcaires qu'on fait entrer dans la composition de certains verres, sont la craie, le moelon réduit en poudre, la chaux vive & éteinte à l'air, &c. Dans plusieurs verreries, on se sert de ces substances pour ménager les sels alkalis, parce qu'elles ont la propriété de faciliter la fusion des sables, (Voyez les raisons de cet effet dans le Manuel de Chymie de M. Beaumé). Mais il est bon de ne faire entrer de cette espèce de terre qu'en très petite quantité dans la composition de ce verre ; car quoiqu'elle y soit vitrifiée, elle n'est pas pour cela entièrement changée de nature ; il y en a toujours une grande partie qui conserve encore fon caractère calcaire. M. Baumé remarqua que les verres dans lesquels on en fait entrer une trop grande quantité sont attaquables par les acides, & sont détruits en fort peu de tems. Ces espèces de verre ne sont pas non plus d'une grande solidité, ils font très susceptibles de se casser au moindre contraste du froid & du chaud. Le verre commun de Lorraine avec lequel on fait les bouteilles à vin, est dans le cas dont nous parlons.


Il résulte de tout ce que nous venons de dire sur les matières dont on peut se servir pour faire le verre, qu'il faut les choisir suivant l'espèce ou la beauté du verre qu'on veut fabriquer. Lorsqu'on se propose de faire un beau verre blanc, il faut faire choix de sel alkali privé de cendres, parce qu'elles contiennent toujours un peu de matières phlogistiques charbonneuses. Le sable qu'on veut faire entrer dans cette espèce de verre doit être blanc ; il est bon de s'assurer par des expériences, s'il ne contient point de matières colorantes susceptibles de se développer au grand feu, comme cela arrive quelquefois. Ce sont là les matériaux du verre blanc. On forme du cristal avec ce même mélange en y ajoutant une certaine quantité d'une des chaux de plomb, dont nous avons parlé.

 

Le verre commun se fait avec de la soude non lessivée, du sable & de la charrée. A l'égard des proportions, elles varient dans les verreries ; c'est pour cette raison que nous n'en disons rien. Les fragmens de verre cassé se mettent à la refonte avec les matières dont nous venons de parler, fans rien déranger aux proportions, parce qu'on a soin de n'y mettre que des fragmens de même espèce que le verre qu'on veut se procurer. Nous allons donner pour exemple de la fabrication du verre, celui avec lequel on fait des bouteilles à vin.

 

Avant que de placer dans les creusets les matières qui doivent former le verre, on les fait calciner pendant vingt-quatre heures, dans les deux petits fours supérieurs dont nous avons parlé en donnant la description du four. Cette opération se nomme fritter, & la matière qui a été ainsi calcinée se nomme fritte. On fait cette opération pour plusieurs raisons : 1° afin de priver de toute humidité les matières à fondre : 2° afin de leur procurer un commencement d'union, & de les avoir toutes rouges & embrasées, lorsqu'il est nécessaire de remplir les creusets ; par ce moyen elles entrent promptement en fusion : cela retarde moins le travail d'une fournée à une autre, que si l'on mettoit ces mêmes matières toutes froides dans les creusets, & d'ailleurs elles feroient casser les creusets immanquablement.

 

 

Fritte

 

Cuisson de la fritte

 

 

3° Enfin, on fait fritter les matières dans le dessein de faire brûler toutes les substances phlogistiques qui peuvent être contenues dans les ingrédiens qui doivent former le verre, & cette raison est une des plus essentielles ; c'est même par rapport à cela qu'on retourne dans ces petits fours la matière toutes les deux heures, afin de lui faire présenter de nouvelles surfaces à l'action du feu, & de faire brûler le plus exactement qu'il est possible les matières phlogistiques avant de la faire entrer en fusion. Si elle y entroit avant cette calcination, la matière phlogistique resteroit dans le verre, & lui donneroit une couleur noire qui lui ôteroit sa transparence en totalité ou en grande partie. Lorsque cette substance phlogistique est une fois combinée avec le verre, il n'est, pour ainsi dire plus possible de la détruire ; le verre la défend tellement de l'action du feu, qu'il faut l'augmenter jusqu'à la dernière violence, & le continuer très longtems pour n'en détruire même qu'une partie, car il en reste toujours beaucoup. Lorsque cet accident arrive au verre pour avoir mal fritté la matière, on ajoute dans quelques verreries une certaine quantité de salpêtre, qui fuse & détonne avec le principe phlogistique, le brûle & le détruit ; c'est un moyen qu'on emploie pour clarifier le verre.

 

Dans presque toutes les verreries d'Alsace, de Bohême, & de l'Allemagne, où l'on fait de très beau verre blanc, mais tendre & léger, & qui n'a pas à beaucoup près la solidité des verres de nos verreries de France, on ajoute dans le mélange du verre des matières nommées potasses, qu'on forme dans les salines de Lorraine & de Franche-Comté. Ces matières, comme M. Baumé l'a reconnu par l'expérience, contiennent beaucoup de sel marin & de sel fébrifuge de Silvius. Lorsque ces sels font chauffés violemment, comme cela est nécessaire pour la fusion des autres ingrédiens, ils laissent dégager une prodigieuse quantité d'air qui reste interposé entre les parties du verre fondu, qui le tient pendant un certain tems dans un état de raréfaction, & qui facilite la combustion des matières phlogistiques. Aussi ces espèces de verres sont frittés beaucoup moins de tems, que ceux dans la composition desquels on n'a point fait entrer de ces sels. On est obligé aussi de leur faire subir un plus grand coup de feu, afin de donner aux parties du verre fondu la liberté de se rassembler, & par là faire disparoître les bulles ; car c'est un défaut au verre d'en contenir une trop grande quantité. On fait entrer aussi dans la composition de ces espèces de verre blanc beaucoup de terre calcaire, ou de matériaux salins qui en contiennent, comme sont les matières qu'on nomme potasses dans les salines ; c'est encore une des causes pour lesquelles la plupart des verres de ces verreries sont plus tendres que ceux de France, dans lesquels on ne fait point entrer de terre calcaire.

 


Lorsque les ingrédiens du verre ont été suffisamment frittés, on les enlève des deux petits fours avec de grandes pelles de fer : on les introduit dans les creusets par les ouvraux, & on remet dans les mêmes petits fours de nouvelles matières à fritter. Alors on fait un grand feu dans le four, & on le continue pendant douze ou quinze heures, ou jusqu'à ce que le verre soit bien formé & bien fondu. En cet état on écume la matière avec des cuillers de fer, pour enlever les sels qui ne se font pas vitrifiés, & qui nagent à la surface ; c'est ce que l'on nomme sel de verre & fiel de verre. Ce sel se distribue dans le commerce, il sert dans plusieurs arts pour la fusion des métaux. Les verres dans la composition desquels on fait entrer du sel marin ou des matières qui en contiennent beaucoup, comme sent, par exemple, toutes les soudes de Normandie, ont besoin d'être écumés ; car le sel marin ne se vitrifie pas, il n'entre point dans la composition du verre, il sert seulement à la clarifier, comme nous venons de le dire. Dans la plupart des verreries on a attention d'employer des soudes qui ne contiennent pas une trop grande quantité de sel marin, afin de n'avoir pas la peine d'écumer le verre après qu'il est fait. Cette opération est extrêmement pénible, à cause de la grande chaleur qu'est obligé de supporter celui qui la fait. Dans quelques verreries, on a soin même de n'employer que de la soude d'Alicante, qui ne contient que peu & le plus souvent point du tout de sel marin ; cette espèce de soude, à poids égaux, est plus fondante & plus vitrifiante que les soudes communes, parce qu'elles contiennent davantage de sel alkali fixe minéral. Lorsqu'il n'y a que la juste proportion de sel marin dans le mélange du verre, ce sel s'évapore entièrement pendant la fusion, mais après avoir clarifié le verre, comme il a la propriété de le faire.

 

à suivre...

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