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Le blog de l'histoire des Verriers du Rouergue

Migration des verriers vers le Rouergue aux 15e et 16e siècles

24 Octobre 2012 , Rédigé par gentilhomme verrier Publié dans #Histoire locale

Dans cette nouvelle série d'articles, nous allons illustrer l'itinéraire de quelques verriers du 15e au 18e siècle.

 

 

Carte de migration des verriers aux 15e et 16e siècles vers le Rouergue

 

 

 

Italie

 

Pour lire la carte :

 

Verreries  (losanges rouges) :

 

1. Aurenque

2. Le Piboul

3. Saint-Sulpice

4. Arbousse

 

Itinéraires des familles « verrières » (tracés bleus) :

 

1. Bournhol alias Borniol

2. Filiquier alias Filitier

3. Agrefeuille alias Agrefuelhe

4. La Roque

5. Colom alias Colomb.


Les plus aniciennes familles de verriers connues en Rouergue sont celles des Colom (alias Colomb, Colon, Coulon) et des Agrefeuille (alias Aigrefuelhe, Greffuelhe et leurs variantes francisées Aigrefeuille, Greffeuille et même Egrefeuille).

La première est mentionnée au tout début du 15ème siècle autour de Laguépie (département du Tarn-et-Garonne). En 1409, Jean Colomb et Jean Tortol sont qualifiés de verriers travaillant dans la juridiction de Laguépie, bourgade située à la confluence du Viaur et de l’Aveyron. Pierre d’Estève, verrier, cité en 1409 et qualifié de « donzel » de Laguépie en 1416, prend la qualité de noble dès 1431.

En 1473, on trouve encore Jacques Colom fils de Guiral, qui loue un ouvreau de son four, à Antoine Garnier, verrier et « commandayre » de la verrerie de Bonan, dans la juridiction de Milhars, et un autre à Jean Colom, fils de Jean.

La famille Colomb essaima en Quercy, Rouergue, Languedoc, Auvergne et même au-delà. Ce n’est que vers la fin du 15ème siècle que les verriers du nom de Colomb sont qualifiés de nobles.

Au siècle suivant, trois verriers de ce nom migrent vers la partie sud-est du Rouergue. Deux frères Jean, plus jeune et Jean plus vieux s’allient dans la première moitié du 16ème siècle aux filles d’un gentilhomme verrier dont les ancêtres ont installé leur verrerie dans la vallée étroite du Trévezel, aux confins des diocèses de Vabres et de Nîmes. Il s’agit des Agrefeuille dont les ancêtres, jadis seigneurs de Saint-Sébastien d’Aigrefeuille (département du Gard), ont quitté leur château suite à son incendie, pour s’établir à Sérignac, dans le diocèse d’Uzès, dans les environs de Sommières.

Noble Etienne d’Agrefeuille est établi à Combefrune, aujourd’hui Saint-Sulpice, dans la paroisse de Cantobre (commune de Nant), d’après l’hommage rendu en 1481 au baron de Roquefeuil. Son fils Jean d'Agrefeuille est qualifié veyrier de la veyrière de la Valette, paroisse de Trèves, de 1520 à 1531.

Lors du mariage de sa fille Marguerite avec noble Jean Colom plus jeune, aussi verrier, fils de Guiral de Laguépie, il lui constitue en dot un ouvreau de son four à verre. Un autre Colom, Antoine, crée une verrerie vers 1550 à la Castèle (la Castela), dans la paroisse de Saint-Jean de Balmes (commune de Veyreau), de l’autre côté du plateau qui sépare les gorges du Tarn de celles de la Dourbie.

C’est dans ce contexte, qu’apparaît une nouvelle famille, les Filiquier (alias Filitier). Noble Jacques de Filiquier, originaire de Mormoiron, dans de diocèse de Carpentras (Vaucluse), est créancier de noble Jean Colom, maître verrier de la verrerie de la Castela en raison de la fourniture de « treize quintaux et demi de soude ». Ce même Jacques de Filiquier, s’installe plus tard à la domerie d’Aurenque en Viadène (commune de Coubisou) où sa présence est attestée en 1571. C’est à la verrerie d’Aurenque que nous rencontrons pour la première fois une famille de verriers d’origine italienne, les Borniole de la cité d’Altare près de Montferrat, devenus Bournhol sous la plume des notaires rouergats par assimilation à la graphie occitane. On ignore les étapes de leur longue migration entre Altare et le Rouergue. Noble Jean Bournhol aurait épousé Jeanne Bouchène en 1575, lors de son séjour à Aurenque, avant de migrer à nouveau plus au sud, dans les gorges du Viaur moyen, toujours en Rouergue. Cette fois, il a entrainé avec lui deux frères Filiquier, Etienne et Barthélemy, peut-être fils de Jacques. Etienne créa vers 1590 une verrerie à Carcenac-Peyralès, avant d’épouser en 1592, une orpheline héritière de quelques biens fonciers dans le village du Piboul (commune de Sainte-Juliette-sur-Viaur). Bathélemy Filiquier, acheta une maison en 1597 dans ce même village. Il avait épousé Cécile Capelle, probablement fille de Jean Capelle, maréchal à forge du village de Carcenac, artisan indispensable pour la confection et la réparation des outils des verriers. Jean Borniol alias Bournhol acquit lui aussi une maison et quelques terres en 1599 au Piboul. C’est ainsi que commença l’histoire des verriers du Viaur.

Mais pourquoi me direz-vous avoir choisi ce petit village loin des centres urbains et des grandes voies de communication ? La réponse réside dans la nature géologique des environs. Vous savez que la matière première du verre est la silice contenue dans certains sables de rivière et certaines roches. Nous ignorons si les premiers verriers utilisèrent le sable de rivière. En revanche, nous sommes à peu près certains qu’ils utilisaient au 18ème siècle le quartzite, roche siliceuse abondante dans ce secteur. Le cadastre ancien de Sainte-Juliette en perpétue le souvenir dans les dénominations suivante : roc blanc et roques verrières.

Laissons là nos verriers du Viaur et retournons dans le Rouergue méridional où une famille verrière d’ancienne noblesse, du nom de La Roque, s’implante dans la première moitié du 16ème siècle. Aux confins du Rouergue et du Languedoc, l’abbaye de Joncels (département de l’Hérault), jadis Jaussels, attira des gentilshommes verriers sur ses vastes possessions boisées.

Ainsi, dès 1509, noble Bézard de Ginestous, seigneur de Montdardier (département du Gard), prend le jeune Pierre Benoît comme apprenti pour lui enseigner le noble métier de verrier, dans sa verrerie de « Revelgua », dans la juridiction de Joncels. En fait, le nom correct est la verrerie de Ramelgue, de l’occitan la veyrieyra de Ramelga, dans le testament de noble Delphine de Saint-Julien, veuve dudit Bézard, reçu en 1543. A la même époque, noble Jean Colom (différent de ceux rencontrés précédemment, mais d’origine inconnue) habite au hameau d’Amalou (aujourd’hui Lamalou, commune d’Avène) et noble Denis de La Roque, verrier d’Arbousse, possède une maison dans le « fort » du Clapier (département de l’Aveyron). Denis et son frère Claude ont acquis de l’Abbaye de Joncels, la directe de la terre d’Arbousse, juridiction de Montpaon (commune de Fondamente).

Comme l’a noté Robert Dupuy, dans son œuvre Les verreries forestières et gentilshommes verriers de l’Aude, les ordres religieux, riches propriétaires terriens seraient à l’origine de l’installation de la plupart des familles de verriers. Cela semble être le cas pour la verrerie d’Aurenque, ancienne dômerie dont l’Abbaye de Bonneval levait des droits, pour le village du Piboul dont les Prêtres Anniversaires du Chapitre de la cathédrale de Rodez étaient seigneurs directs et pour la verrerie d’Arbousse dont l’Abbaye de Joncels céda la directe à la famille de La Roque. En revanche, pour les verreries du Trévezel, c’est le haut et puissant seigneur baron de Roquefeuil qui attira les verriers dans ces gorges boisées peu favorables à l’agriculture.

Parmi ces premières familles nobles de verriers, certaines abandonnèrent l’art de la verrerie et dérogèrent après quelques générations : c’est le cas des Colom et des Agrefeuille de Saint-Sulpice, devenus simples laboureurs et dont la noblesse est ignorée dans les actes notariés du début du 17e siècle.

Parmi les autres, seules quelques branches accédèrent à une certaine aisance associée à l’acquisition de droits féodaux, encore que la plupart durent cette ascension davantage à une union matrimoniale avantageuse plus qu’à leur laborieuse activité verrière. Il faut ranger ici les Bournhol de Fonbonne, les Renaud alliés des Bournhol de Noguiès (alias de Noyés, commune de Camboulazet) et des Filiquier de Bahut (alias de Bouet, commune de Laguiole) et peut-être certains Filiquier émigrés en Haute-Auvergne (département du Cantal).

 

 

© Dominique Guibert 2012

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