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Le blog de l'histoire des Verriers du Rouergue

Joseph Robert, verrier de Hauteserre (Penne, Tarn)

18 Mai 2012 , Rédigé par gentilhomme verrier Publié dans #Histoire locale

Cet article fait suite au précédent dans lequel nous avons évoqué le sieur Robert, fabricant de verre, domicilié à Hauteserre, opposant à la mise en service de la verrerie de Combenègre (Centrès, Aveyron) par des verriers de l'Ariège.

 

Qui était le sieur Robert, négociant et fabricant de verres à Hautesserre, commune de Penne (Tarn) ?

 

Nous trouvons dans l’état-civil de la commune de la Penne, à la date du 18 août 1841, l’acte de décès du sieur Joseph Robert agé de quatre vingt deux ans, négociant, fils de défunts Jean Robert et de Magdeleine Costes mariés, domiciliés quand vivaient dans le département de l’Aveyron, veuf de Catherine Bélaygue, demeurant au lieu d’Hauteserre commune dudit Penne […].

 

S’agit-il pour autant du fabricant de verres que nous recherchons ? Suite à la lecture des informations contenues dans l’acte ci-dessus, nous avons recherché l’acte de décès de son épouse Catherine Bélaygue. Celle-ci décéda le 21 décembre 1839, agée de soixante dix ans sans profession épouse du sieur Joseph Robert fabricant de verre demeurant à Auteserre (sic) commune dudit Penne […]. Cette fois-ci, nous avons la confirmation de la double activité de négociant et fabricant de verre du sieur Joseph Robert.

 

Mais qui était réellement ce Joseph Robert, verrier, originaire du département de l’Aveyron, où il serait né vers 1759, d’après son acte de décès ? Etait-il le rejeton d’une ancienne famille de gentilshommes verriers du même nom qui essaima dans tout le sud-ouest de la France ?

 

 

 

 

Hauteserre

 

 

Situation de la verrerie de Hauteserre dans la paroisse Vaour, d'après la carte Cassini

 

 

 

Nous connaissons deux branches de cette illustre famille de verriers qui se fixèrent en Rouergue. La première venait du Haut-Languedoc, de Gaja-La-Selve (Aude), en la personne de noble Pierre de Robert, sieur de Lascaves. La seconde était originaire du Quercy, de Caniac-du-Causse (Lot), constituée par les frères Jean-Baptiste, Jean-Antoine et Pierre de Robert, le premier sieur de Saint-Palavy et le second sieur de Lajouzan.

 

Ouvrons une large parenthèse pour présenter ces deux branches.

 

Noble Pierre de Robert, sieur de Lascaves, né à Gaja-La-Selve vers 1710, de noble Jean de Robert, sieur de Lascaves et de demoiselle Françoise de Laverdun. Pierre se fixa dans la paroisse de La Selve, en Rouergue, par son mariage vers 1740 avec demoiselle Françoise André, fille de feu Me Jean André, notaire royal dudit lieu, et veuve de Me Louis Dalmayrac, aussi notaire du même lieu. Françoise était âgée de plus de soixante ans lors son deuxième mariage, aussi elle n’eut aucun enfant de cette union. Elle décéda le 26 avril 1757 à La Selve.

 

Pierre convola en secondes noces, le 26 février 1759 à Marsal (Tarn) avec la demoiselle Elisabeth de Bouzinac de la Tour de la Frégère, âgée de trente-neuf ans. Ils n’eurent pas plus d’enfants.

 

Avant sa mort, dont nous ignorons la date et le lieu, le sieur de Lascaves, fit donation de ses biens à son neveu Jean François, fils de son frère (consanguin ?) François de Robert, aussi sieur de Lascaves, établi par mariage dans la paroisse de Vaour (Tarn).

 

Son donataire, Jean François de Robert, céda en 1777, après avoir transigé avec la veuve de son oncle, tous ses droits à Me Vigroux, notaire de La Selve, pour la somme de 280 livres tournois. Ainsi s’éteignit cette branche de Robert en Rouergue.

 

Trois frères, fils de noble Namphaise de Robert, sieur de Lajeuzan, et de demoiselle Claire Lalo, dame de la Brasconie, vinrent souffler le verre dans les gorges du Viaur près de Centrès. Le premier est signalé en 1769 à Magrinet où les de Bertin tenaient une verrerie.


Jean Baptiste, l’aîné, titré sieur de Saint-Palavy (comme son grand-père paternel), épousa en 1782 à Lédergues (Aveyron), Marianne Mallier, fille d’un bourgeois du même lieu. On lui connaît trois enfants Marie, Jean Baptiste Maurice et Jean Pierre.


Le cadet, Jean Antoine, titré sieur de Lajeuzan, s’unit en 1788, à Françoise Massol, fille d’un paysan de la Fortèse, paroisse de Lédergues et fut père de Jean Pierre, d’où postérité.


Pierre de Robert, benjamin de la famille, verrier comme ses frères, créa une verrerie dans le bois de Rauzet (Auriac-Lagast, Aveyron) en 1789, dans une propriété de l’Abbaye cistercienne de Bonnecombe. De fait, elle eut une existence éphémère. Nous perdons la trace de Pierre dès 1792.

 

Refermons la parenthèse pour conclure que notre Joseph Robert n’est pas apparenté à nos gentilshommes verriers cités ci-dessus. Ne pourrait-il pas pour autant descendre d’une autre branche ? La découverte de son acte de mariage avec Catherine Bélaygue devrait nous en apprendre davantage. Après maintes difficultés, nous l’avons trouvé dans les registres de la commune de Puycelci à la date du 31 janvier 1792.

 

Joseph Robert était assisté et autorisé de Mr François Martial de Suère h[abit]ant de Puycelcy procureur fondé dudit Jean Robert (cultivateur habitant de Centrès, père de Joseph) suivant sa procuration […] et il vivait alors au lieu de Littre paroisse de St Martial municipalité de Montmiral. Parmi les témoins figurait Mr Simon Joseph de Granier de Terride. Bien que seules les professions des pères des époux soient inscrites dans l’acte, la mention de Littre, ancienne verrerie de la famille de Suère et la présence de deux gentilshommes verriers plaident en faveur de la profession de marchand verrier pour Joseph Robert.

 

Autre élément qui va dans le même sens : l’acte de naissance de Jean Mathieu Robert, né le 29 thermidor de l’an 2 (16 août 1794) à Puycelci, fils du citoyen Joseph Robert négotiant (sic) domicilié dans la susditte (sic) ville [et de] Catherine Bélaigue. Parmi les témoins, on retrouve le citoyen François Martial Suère neveu agé de cinquante et un ans.

 

Comment un simple colporteur de verres, fils de paysans rouergats, a-t-il pu devenir fabricant de verre ?

 

Nous savons que le métier de verrier, désigné dans les textes anciens comme l’art et science de verrerie, était un privilège réservé à la noblesse issue de cet art, dans tout le Languedoc et au-delà : du Rhône à l’océan. Mais la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 mit fin à toutes les corporations et organisations professionnelles ce qui eut entre autres pour conséquence de libéraliser l’accès à tous les métiers. Déjà l’emprise de la juridiction de Sommières (voir l’article Sommières et les verriers) s’était considérablement relâchée après 1753, date de la dernière assemblée générale des verriers du Languedoc.

 

Pourtant l’apprentissage du métier était long et la connaissance des compositions jalousement gardée par les gentilshommes verriers. Dans ces conditions, on voit mal comment Joseph Robert, fils d’un laboureur de Centrès, a pu acquérir ces compétences. Nous ne pouvons donc qu’émettre des hypothèses.

 

Ainsi, il a pu dès sa jeunesse travailler occasionnellement à la coupe de bois pour les verreries voisines de Centrès, notamment celle de Laubigue réactivée entre 1778 et 1782 par les frères de Robert de Lédergues. Devenu marchand ambulant de verre, il fut amené à s’approvisionner dans les verreries de l’Albigeois voisin, plus nombreuses et probablement plus productives que celles du Rouergue. On a vu qu’il se trouvait près de Puycelci dès 1792 en compagnie de maîtres verriers ci-devant gentilshommes. A-t-il été formé par l’un d’eux ou bien a-t-il reproduit seul les gestes souvent observés de ses anciens fournisseurs ?

 

Nous ignorons à quelle date il s’installa à Hauteserre et de qui Joseph Robert acquit la verrerie de ce lieu. C’est le seul cas que nous connaissons de verrier non issu de l’ancienne noblesse, qui souffla le verre dans une verrerie artisanale dans la première moitié du XIXe siècle dans cette région.

 

© Dominique Guibert 2012

 


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